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Financiarisation, dérégulation et titrisation

Financiarisation, dérégulation et titrisation

Avant les années 1980, les banques ne pouvaient pas utiliser les dépôts des gens comme garanties des investissements. Les banques n’avaient pas le droit d’utiliser les dépôts de leurs clients pour les investir.

Jusqu’au début des années 1980, quand on possédait une part d’une entreprise, d’un immeuble ou d’un champ et qu’on voulait acheter ou revendre d’autres parts, l’Etat percevait des droits de mutation. Il y avait un coût à changer ses parts. Du coup, l’argent était investi sur des années et les investisseurs devaient prêter beaucoup d’attention à ce qu’ils achetaient, il devaient s’intéresser à l’activité. Il devait s’assurer que leur investissement soit viable sur le long terme.

Cette prise de risque était utilisée pour justifier le capitalisme. Les co-propriétaires, les investisseurs prenaient des risques avec leur argent et du coup, ils prenaient les décisions. Le risque était récompensé. Des règles très strictes étaient instaurées: les investisseurs étaient très informés sur ce qu’ils achetaient et la part était achetée sans intermédiaires (par exemple, une part d’une ferme, une part de Ford, etc.)

Les “trente glorieuses” était une période très prospère pour la plupart des gens en Occident. C’était une période de forte réglementation et d’intervention de l’Etat. Les ultra-riches étaient moins riches qu’aujourd’hui mais ils avaient déjà largement assez.

Ronald Reagan et Margaret Tatcher ont mis en place une financiarisation massive de l’économie: une baisse des taxes et une diminution des règlementations (dérégulation).

Cela a eu pour conséquences trois effets.

– Premièrement, tout peut être converti en actions en bourse et n’importe quel nom peut y être affecté, c’est la titrisation. Par exemple, la performance sportive d’une équipe de foot, les NFT (une image sur ordinateur avec un dessin sur paint) ou un prêt. De plus, les produits ne sont pas achetés directement: on peut titriser des produits qui sont eux-même titrisés. L’investisseur n’a plus aucune idée de ce qu’il achète.

– Deuxièmement, les banques ont le droit d’utiliser les dépôts de leurs clients pour investir. Elles prennent des risques avec l’argent que leur ont confié leurs clients. Après la crise financière de 2008, les banques doivent avoir un minimum de dépôts pour garantir l’argent de leurs clients jusqu’à un certain montant (environ 70 000€ par personne).

– Troisièmement, les droits de mutation ont été abandonnés. Le capital est devenu ultra mobile. L’investisseur peut revendre ses actions instantanément sans avoir à payer. A partir des années 2000, le trading à haute fréquence est apparu: des robots sont programmés pour acheter et revendre des actions selon des critères prédéterminés. Ils peuvent opérer des milliers de transactions par seconde. L’investisseur ne sait plus du tout ce qu’il achète, il n’a pas besoin de s’intéresser à l’activité, est ultra-mobile et ne paie presque plus de taxes sur ses profits.

La crise de 2008 déclenchée par la crise des subprimes a révélée la dangerosité de ce système. En effet, les prêts immobiliers accordés à des personnes non solvables étaient titrisés. Cette révélation a crée une perte de confiance générale. Pour éviter l’effondrement complet des marchés financiers et de l’économie en général, les gouvernements ont racheté aux banques leur “junk bonds” (titres toxiques) avec de l’argent public. Beaucoup de ces “junk bonds” avaient été transférés à des tiers, y compris des gouvernements. Par exemple en Grèce, Goldman Sachs avait conseillé au gouvernement de placer une partie de son argent dans des “junk banks”. Goldman Sachs était payé par la Grèce pour les conseiller mais il était payé bien plus par les banques qui cherchaient à se débarrasser de ce risque. Cela a mené à un plan de sauvetage pour éviter la faillite de la Grèce: l’Union Européenne et le Fond Monétaire International ont fait un prêt à la Grèce sous conditions.

Ce sont donc les contribuables qui ont payé. Les dirigeants n’ont pourtant rien changé, et cela continue. La banque, le capital est déresponsabilisé.

La théorie de “la main invisible” d’Adam Smith se révèle être erronée. Il faut règlementer.

Les crises à répétition prouvent la théorie de Karl Marx qui affirme que le capitalisme sans contrôle est instable et ponctué de crises qui pénalisent la majorité de la population. Les entreprises ne peuvent pas se distinguer les une des autres seulement par leurs machines car le concurrent a lui-aussi des machines qu’il peut pousser à ses limites. La main d’oeuvre humaine peut toujours être pressée pour faire toujours plus, et travailler plus longtemps. Cela est la cause du profit du capitalisme. Il arrive toujours un moment où cette main d’oeuvre s’effondre parce qu’elle travaille trop et n’est pas payée assez. Elle se démotive et tombe malade. Elle n’a plus assez de ressources pour consommer. Elle peut alors se révolter. C’est le moment où il y a des crises. Les ouvriers qui ont été payés très peu sont en difficulté alors que les riches, eux, ont pu économiser et utiliser leurs économies pour bien vivre même pendant les crise. Après la crise, après le chaos crée, il faut rétablir l’ordre. Un tyrant est mandaté par le peuple qui craint le chaos. L’Etat intervient pour relancer l’industrie. Il investit, par exemple il commande des armes. Les salaires sont augmentés et le cycle recommence.

Les conséquences sur l’économie de la dérégulation sont terribles.

– Il y a une inégalité entre la taxation du travail et la taxation du capital. Le travail est taxé à 50% tandis que le capital est taxé à 20%. Les possédants contribuent moins à l’effort national que les travailleurs et privent l’Etat de moyens pour financer les services publics.

– L’ultra-mobilité obligent les investisseurs à ne se concentrer que sur le très court terme même si cela a des conséquences terribles sur le moyen et long terme. Par exemple, licencier la quasi-totalité du personnel le temps d’écouler les produits. Cela entraîne la faillite de l’entreprise. Autre exemple, arrêter tous les contrôles sanitaires dans une entreprise d’alimentation pour vendre de la viande de cheval malade au prix du boeuf, cela entraîne des scandales sanitaires mais les capitaux des investisseurs sont déjà partis lorsque cela arrive. Beaucoup de robots de trading à haute fréquence sont programmés pour monitorer les réseaux sociaux et les sites d’information pour vendre à la première alerte, par exemple, la révélation d’un scandale par un lanceur d’alerte. Certains pays se sont spécialisés dans la manipulation de la bourse grâce à des comptes sur les réseaux sociaux qui annoncent de fausses nouvelles pour manipuler les cours de bourse des actions grâce à ses robots. L’investisseur ne prend plus aucun risque et ne s’intéresse plus à l’activité. Ce sont les travailleurs qui prennent tous les risques: ils se sont formés, ils ont déménagé, ils ont scolarisé leurs enfants, ils ont cotisé au chômage, etc. Après la fermeture de l’entreprise, ils peuvent mettre du temps avant de retrouver un revenu. Ce sont les patrons d’entreprise et les employés qui prennent les risques judiciaires, ce sont eux qui vont au tribunal pour les fautes que les actionnaires les ont poussé à faire. Par exemple, ils deviennent complices des empoisonnements ou la pollution des rivières par peur de perdre leur travail. Pour quelques personnes complices, c’est tous les employés qui perdent leur emploi quand l’entreprise ferme. L’entreprise Takata a caché les défauts de ses airbags (décapitent les passagers), et quand le scandale est sorti, les investisseurs avaient mis leur argent ailleurs depuis longtemps. Ce sont les employés qui ont subi les conséquences. Dans l’immobilier, il devient beaucoup plus rentable de laisser les logements vides mais titrisés. En effet, si les logements étaient mis sur le marché, cela ferait augmenter l’offre de logements et donc le loyer mensuel baisserait. Tandis qu’en étant titrisés, ils vendent tellement plus cher en valorisant des logements qui pourraient rapporter un loyer élevé.

– Comme les banques peuvent utiliser les dépôts de leurs clients, quand une banque commet une erreur et perd de l’argent, l’Etat se sent obligé de venir compenser pour éviter que les citoyens perdent leurs économies. Les banques sont ainsi déresponsabilisées. Le “Too big to fail” fait que les banques prennent de plus en plus de risques et ce sont les contribuables qui compensent les pertes des banques avec l’argent de leurs impôts. Ils accusent un employé qui sert de bouc émissaire, par exemple Jérôme Kerviel pour la Société Générale et justifier qu’ils continuent. Au niveau politique, les riches peuvent se permettre de soutenir des politiciens incompétents économiquement car il n’y a plus de risques pour leur capital.

Il faut rétablir les règlementations. 1) Les banques ne doivent pas utiliser les dépôts de leurs clients. 2) La titrisation doit être limitée à un niveau pour que l’investisseur sache ce qu’il achète, par exemple une part d’un immeuble. Cele permettrait de rétablir la confiance et augmenter les investissements pour aider l’économie. 3) Les droits de mutation doivent être ré-introduits pour que les investisseurs pensent au long terme. 4) Il faut favoriser les coopératives et les aider quand elles sont en difficulté avec des banques ou l’Etat qui leur accordent des prêts.

Rogue trader (1999) – avec Ewan McGregor et Anna Friel – Full Movie: https://youtu.be/SclDzvDWrds?si=-NJ-pmnxMn3ZEUgs

L’outsider (2016) – l’histoire de Jérôme Kerviel – Film complet: https://youtu.be/kFWcskKUyB8?si=F31RIqpcDJq-W7Or

https://youtu.be/kFWcskKUyB8?si=F31RIqpcDJq-W7Or

Peut-on avoir le blé et l’argent du blé ? | Les idées larges – Arte: https://youtu.be/MHqEnYST-ms?si=AOYCoYweji7k3d5m

Épisode 40/36 : Titrisation : le risque en pièges détachés – France Culture: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/titrisation-le-risque-en-pieges-detaches-4122182

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