Search

Le grand changement

Le grand changement

Karl Marx avait démontré que le capitalisme connaîtrait de nombreuses crises du fait même de son fonctionnement qui est instable ce qui pénalise la majorité de la population. Les entreprises ne peuvent pas se distinguer les une des autres seulement par leurs machines car le concurrent a lui-aussi des machines qu’il peut pousser à ses limites. La main d’oeuvre humaine peut toujours être pressée pour faire toujours plus, et travailler plus longtemps. Cela est la cause du profit du capitalisme. Il arrive toujours un moment où cette main d’oeuvre s’effondre parce qu’elle travaille trop et n’est pas payée assez. Elle se démotive et tombe malade. Elle n’a plus assez de ressources pour consommer. Elle peut alors se révolter. C’est le moment où il y a des crises. Les ouvriers qui ont été payés très peu sont en difficulté alors que les riches, eux, ont pu économiser et il peuvent utiliser leurs économies pour bien vivre même pendant les crise. Après la crise, après le chaos crée, il faut rétablir l’ordre. Un tyrant est mandaté par le peuple qui craint le chaos. L’Etat intervient pour relancer l’industrie. Il investit, par exemple il commande des armes. Les salaires sont augmentés et le cycle recommence.

Les économistes néolibéraux ont accepté cette thèse de Marx et ils ont cherché à espacer et à atténuer ces crises. Pour les néolibéraux, les entreprises doivent être les plus libres possibles dans leurs décisions mais l’argent public doit être dépensé pour les aider quand elles sont en difficulté. D’après eux, de l’entreprise en bonne santé, la prospérité ruisselle sur le reste de la population. Les emplois crées permettent aux employés de dépenser dans les commerces et les services (crèches, restaurants, commerces, sous-traitants, etc). Le bien-être de l’entreprise fait vivre tout le monde. Les crises des années 20 et 30 plongeaient la population dans la pauvreté et la destitution. Il n’y avait pas de sécurité sociale. Les néolibéraux ont permis d’éviter ce genre de crises terribles des années 20 et 30. Il y a quand même eu des crises au milieu des années 70 jusqu’au début des années 2000. L’Etat Providence aide la population, mais surtout les entreprises.

Il est important de noter que de 1945 à 75, le monde occidental a connu les Trente Glorieuses grâce à un état social démocrate, sans Etat Providence mais qui fixe des règle et qui protège grâce à la sécurité sociale et le chômage. Ils ne dépensait pas dans des subventions aux entreprises privées et il n’y avait pas de crises non plus. Le modèle des Trente Glorieuse est clairement meilleur que le modèle néolibéral.

Comment est financé le néo-libéralisme? L’aide aux entreprises est financée directement par l’impôt, donc par les contribuables. Par exemple, quand les cours du grain sont bas, le paysan reçoit une aide ce qui permet au grossiste de se procurer du grain pas cher. L’aide aux entreprises est également financée par la dette: l’Etat emprunte de l’argent aux riches du pays.

En France, Louis XVI empruntait également de l’argent à ses citoyens. En 1786, les classes moyennes qui avaient des obligations ont pensé que l’Etat ne les rembourserait pas car l’Etat était trop mal géré. Ça a sonné le début de la Révolution Française: une classe aisée et éduquée a commencé à s’inquiéter et elle a commencé à vouloir prendre part plus activement aux décisions de l’Etat. Pour répondre à cette population aisée et éduquée, Louis XVI a convoqué les Etats Généraux car il voulait encore emprunter. Cela a exposé au grand jour que l’Etat était injuste et inadapté (chevalerie) et qu’il n’était pas du tout moderne. Pourquoi financer une noblesse? Pourquoi financer l’église? Pourquoi protéger le commerce triangulaire? A qui cela rapporte-il? Les questions posée par cette population a fait que l’ensemble de la population a commencé à voir au grand jour qu’elle était abusée, qu’elle était le dindon de la farce. C’est elle qui travaille, qui paie l’impôt et qui ne reçoit quasiment rien en retour. Eclairée par ce Tiers-Etat, elle en avait gros et cela a mené à l’année 1789. Le peuple a mis à bas l’ancien régime. Il s’en est suivi dix ans de chaos: il y a eu des actes de violence, le pays n’était pas gouverné, la population était laissée à elle-même, les pays voisins ont déclaré la guerre à la France, puis il y a eu la Terreur. Au final, pour rétablir la sécurité, l’ordre et la prospérité, Napoléon a accédé au pouvoir et a réinstauré, avec l’assentiment populaire, un régime très similaire à l’Ancien régime.

Désormais, toutes les élites du monde ont peur qu’un tel évènement se reproduise. La leçon que les élites en ont tiré, notamment Chateaubriand, un noble qui a perdu toute sa famille guillotinée, est qu’il est possible d’oppresser le petit peuple sans qu’il se rebelle mais qu’il ne faut jamais pousser à bout la classe moyenne qui, elle, est capable de démonter les mensonges de l’Etat.

La classe moyenne cherchait à réformer l’Etat. La situation lui a échappée et cela a dégénéré. De plus, elle ne proposait pas de fonctionnement alternatif. Elle ne faisait pas de propositions de société. Elle a exposé brillamment les faiblesses de leur présent mais n’a pas pu proposer un avenir différent.

La Chine au XIXème siècle a connu un des conflits les plus sanglants de l’humanité avec 20 à 30 millions de morts: la révolte des Taiping. Le peuple dénonçaient l’absence de justice et les inégalités. La révolte a mis à bas la dynastie des Qing. Mais, après le conflit et pour retrouver l’ordre, la population s’est tournée vers l’occidentalisation, cela même que les Qings faisaient. Il n’y a pas eu de changement car il n’y avait pas de modèle alternatif.

Les soviétiques en 1989 ont mis à bas l’union soviétique en dénonçant la dictature militaire qui était incapable de nourrir sa population. Il s’en est suivi dix ans de chaos, une société sans lois dirigée par des gangsters. Au final, la population s’est tournée vers un ancien du KGB, le symbole de l’oppression et de la police politique soviétique. Sans réel modèle alternatif, les Russes sont revenus au régime politique précédent car ils l’ont préféré au désordre: une dictature militaire avec une police politique.

Détruire ne suffit pas, il faut pouvoir reconstruire après le désordre: écoles, administration, commerces, etc. Il faut prévoir une alternative à l’avance, sans quoi les révoltes ne permettent pas le changement. Le chaos et la violence sont néfastes au changement.

De nos jours, les citoyens, via leurs impôts reversent leurs économies aux plus riches. Ils n’ont pas le choix.

Par exemple, l’aide au logement, financée par les contribuables, est donnée au locataire qui va le dépenser chez son propriétaire qui peut ainsi monter le prix du loyer. Par exemple, via les subventions et les abonnement à la TV en streaming, les producteurs d’un film seront payés de la même manière que le film plaise ou non. Par exemple, via les emplois aidés (emploi jeune, les séniors, les handicapés, l’apprentissage, etc), l’employeur ne paie pas l’intégralité du salaire, les impôts financent ces aides ce qui permet à l’entreprise d’avoir moins de charges et donc de faire plus de profits. Par exemple, les chèques énergie ou les chèques consommation ou les chèques restaurants: l’Etat donne de l’argent aux citoyens mais cet argent doit être dépensé rapidement et donc reversé, entre autres aux pétroliers, aux restaurateurs, aux supermarchés et aux vendeurs. Ils peuvent ainsi monter leurs prix s’ils le souhaitent. Par exemple, la prime rénovation, qui est donnée par l’Etat aux particuliers, permet au secteur du bâtiment de prospérer. L’argent ne fait que transiter via les citoyens, c’est de l’argent provenant des impôts qui va dans la poche des entreprises. Autre exemple, les crédits d’impôt recherche permettent aux entreprises de payer moins d’impôt et donc de faire plus de profits quand elles promettent de faire de la recherche mais elles ne sont tenus à aucuns résultats. Ainsi, les constructeurs de voiture français ont reçu des milliards pour développer les voitures électriques et ils n’ont presque rien fait. Ils ne sont pas tenus de rembourser.

Les auteurs présumés de L’insurrection qui vient se sont faits incarcérés en France sous des faux prétextes mais en réalité pour leur ouvrage. Il fait état d’un éventuel ras-le-bol de la population, et ce, malgré la pression policière exercée dans le but de conserver à tout prix le statu quo. En effet, en France, les gilets jaunes ont été violemment réprimés. Le pouvoir tient par la force. Il pourrait changer d’attitude d’attitude et écouter son peuple.

Fermer des hôpitaux, diminuer la qualité de l’enseignement et donc l’égalité des chances, le chômage, diminuer les retraites, ne pas réévaluer le salaire minimum, une justice lente, la suppression des services en campagne, des policiers sous stress; tout ça signifie beaucoup de souffrance.

La situation actuelle ressemble à ce qui est décrite dans L’insurrection qui vient. C’est une situation pré-révolutionnaire comme on l’a vu dans l’histoire: les tensions économiques et démocratiques font que les classes moyennes deviennent extrêmement insatisfaites. C’est point commun des révolutions que l’on a citées plus haut. Le pouvoir actuel est parfaitement conscient de ce risque.

Qu’apprendre des contextes prérévolutionnaires ? Discussion avec Robert Darnton – France Culture: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-l-idee/qu-apprendre-des-contextes-prerevolutionnaires-discussion-avec-robert-darnton-8083685

Du point de vue économique, les classes moyennes, même diplômées, se retrouvent en insécurité financière: sortir d’une grande école de commerce ne garantit plus un emploi bien payé, des revenus même au-dessus de la moyenne nationale ne permettent pas d’avoir un logement salubre et assez grand près de leurs sources de revenus, malgré quelques économies et héritages leur argent n’est pas sécurité car les obligations sont dévaluées. L’argent n’est plus sécurisé, il peut être perdu. L’Etat peut faire défaut, comme c’était le cas sous Louis XVI.

Pourquoi les diplômés universitaires n’arrivent-ils plus à trouver un job? – Blick: https://www.blick.ch/fr/fr/suisse/suisse-apres-luni-presque-impossible-de-trouver-un-job-id21295236.html?utm_medium=social&utm_campaign=share-button&utm_source=copy-link

La classe moyenne n’a plus confiance en l’Etat et veut participer d’avantage à ses décisions. Dans les faits, elle n’a pas moyen de participer aux décisions et elle s’impatiente.

Cette classe éduquée utilise les moyens de communication modernes pour dénoncer et expliquer efficacement les dysfonctionnement de l’Etat: internet, grèves, bouche à oreille, etc. Ces classes moyennes peuvent chercher du travail à l’étranger et donc priver leur pays de savoirs-faire. Elles peuvent décider d’arrêter d’épargner et donc de priver l’Etat de financement pour son Etat Providence. Les classes moyennes peuvent décider de consommer dans les réseaux alternatifs: Amap, vente directe, création et achats dans les coopératives, prendre le vélo et ne pas renouveler sa voiture, ne pas acheter une maison plus grande, ne pas emprunter. Ils cherchent des moyens de ne pas payer l’impôt car ils considèrent que l’Etat n’associe pas les citoyens aux décisions: optimisation fiscale en faisant appel à un avocat, conseils sur internet, travail au noir, triche sur les déclarations d’impôt, etc. Comme le disaient les révolutionnaires américains: “No taxation without Representation” (« Pas d’imposition sans représentation ».).

Cela signifie que l’Etat va percevoir moins d’impôt et va pouvoir moins emprunter. Le résultat de cette asphyxie c’est moins de services publics et beaucoup de souffrance économique pour la population. Elle ne va plus recevoir d’aides, des postes de fonctionnaires vont être supprimés, elle sera moins en sécurité, elle sera en moins bonne santé, etc. Il faut que cette période soit la plus courte possible.

L’Insurrection qui vient – « Comité invisible » – La Fabrique: https://lafabrique.fr/wp-content/uploads/2017/05/pdf_Insurrection.pdf

Mais avant de détruire, il faut se mettre d’accord sur ce que l’on veut construire. Il faut tirer les leçons des révolutions précédentes afin d’éviter la violence et par la suite le retour à la situation de départ. Il faut éviter le vide.

Il faut construire un modèle alternatif économique et démocratique réaliste, désirable pour l’ensemble des citoyens et qui serait capable de fournir dans un temps court la sécurité et la prospérité pour tous.

Il faut donner envie pour un nouveau système.

En économie,

il faut un Etat protecteur qui fixe et fait respecter des normes et des limites avec un contrôle des prix pour permettre un niveau de vie décent à ses citoyens.

il faut un revenu de base universel.

il faut une sécurité sociale efficace.

il faut favoriser les coopératives et les mutuelles.

il faut une fonction publique qui a les moyens de ses missions: défense, santé, éducation, infrastructures (énergies, routes, eau etc.), etc.

il faut une taxation du capital à 100% au delà de 100 millions d’euros.

En politique,

il faut une démocratie plus directe: référendums d’initiative citoyens, une assemblée nationale avec des représentants tirés au sort, la suppression du Sénat et des procureurs élus.

il faut une police et une justice puissantes et indépendantes.

il faut un conseil constitutionnel composé de magistrats qui soient des juges et pas des anciens politiciens.

il faut un pouvoir exécutif, un président, choisi par le parlement parmi les meilleurs fonctionnaires.

Du point de vue écologique,

il faut juger au niveau international les personnes et les multinationales responsables d’écocides.

il faut interdire les produits de mauvaise qualité ou avec une obsolescence programmée.

Il ne faut pas changer les normes trop souvent et elles ne doivent être établies que pour le respect de l’environnement et de la sécurité.

il faut aider les pays en développement à s’équiper de manière écologique.

il faut contraindre et limiter l’activité fossile minière, nucléaire et industrielle, dans le respect de l’environnement.

il faut arrêter de subventionner des entreprises qui détruisent la planète.

Le pouvoir en place peut aller piocher dans ces recettes et rester au pouvoir. Une révolution n’est pas nécessaire si le pouvoir ne reste pas sourd aux revendications du peuple.

La police et l’armée pourraient laisser les citoyens s’exprimer et protester en paix. Ils doivent s’en tenir à protéger les personnes et les biens, quelque soit leurs bords.

Le changement peut se produire sans violence. Plus le pouvoir écoutera son peuple et mettra en place un plan à venir, et moins il y a aura de risques de désordres, de rébellions, de violences, voire d’insurrections ou de révolutions.

Aurianne Or by Aurianne Or is licensed under CC BY-NC 4.0