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L’école de cirque

école de cirque

De mes 10 à 15 ans, j’allais le mercredi en période scolaire à l’école du cirque.

On avait le choix de l’activité que l’on voulait faire. Le choix dépendait des professeurs présents. 

Je commençais par marcher sur la grosse boule et par faire du rouleau ou du diabolo ou faire tourner des assiettes en plastique.

J’aimais particulièrement le trapèze fixe mais surtout le trapèze volant. Au début, ça faisait mal aux mains, et ce, malgré la poudre. Puis la peau de la main s’est endurcie et ça allait très bien. Au début, j’étais encordée par une ceinture. Mais au bout de quatre ans, je faisais du trapèze sans cordes. A la fin, je m’essayais même au trapèze acrobatique: quand on fait semblant de tomber mais qu’en fait on se rattrape au poteau par exemple. Une fois, lors d’un spectacle, je faisais du trapèze fixe. Lors d’une figure, je calais mes pieds dans les cordes et me laissait coulisser vers le bas pour me rattrapper à la barre. Ma mère a crié car elle a cru que je tombais! Mais rien du tout, tout était maîtrisé. Cela m’a tellement musclé, sans faire d’efforts et qu’avec du plaisir, que quand, à l’école, on nous a proposé de faire de l’escalade, le professeur de sport de mon collège m’a mis dans le groupe le plus difficile, où, à part, moi il n’y avait que des garçons.

J’aimais aussi le jonglage. Ayant des difficultés de coordination, je n’y arrivais pas vraiment. Mais jamais personne ne m’a préssée. Le professeur m’expliquait calmement la technique et me laissait m’entraîner à mon aise. Je voyais bien que les autres enfants étaient plus habiles que moi. Certains qui s’essayaient pour la première fois étaient meilleurs que moi qui m’entraînait depuis longtemps. Mais personne ne relevait. Au bout de quatre ans, j’ai finalement réussi à jongler bien à trois balles, avec irrégularité à quatre. Je pouvais aussi jongler avec 3 quilles. Ces exercices ont très certainement joué un rôle important dans l’amélioration de ma coordination. Quand j’étais petite, je n’arrivais pas à attraper un ballon.

En ce qui concerne les acrobaties, c’était difficile pour moi. En effet, il faut savoir faire un arbre droit, un roue et un pont pour pouvoir commencer à faire les autres figures, et je n’y suis jamais arrivée. Mais là aussi, personne ne me forçait la main. Je n’y allait que quand je le souhaitais et le professeur me proposait des exercices à mon niveau. Etant donné que je faisais beaucoup de trapèze et que l’on termine en tournant sur soi et en atterissant tout droit sur ses pieds, le professeur m’a proposé le salto. Et ça, j’y arrivais très bien. Je m’élançais sur le trampoline, montait bien haut, faisait un tour complet et retomabais bien droite et stable sur mes deux pieds. Je faisais aussi des figures avec d’autres élèves.

Parfois, il y avait des professeurs qui venaient seulement pour quelque mois. Ils logeaient dans des roulotte ou des caravanes sur un terrain un peu plus bas de l’école. On pouvait alors tour à tour s’essayer au monocycle, aux échasses ou faire une pyramide humaine.

J’aimais beaucoup l’atelier clown. On mimait les animaux, on faisait des farces. 

Mais ce qui était vraiment une école de la vie, c’est que tout le monde était accepté comme il était. Chacun contribuait en fonction de ce qu’il savait et voulait faire. Ainsi, mon professeur préféré, celle du trapèze était naine et on voyait défiler toutes sortes de personnes avec toutes sortes de looks. Quel étonnement mon amie a eu quand j’ai salué dans la rue une skin-head, qui était mon professeur d’échasses et qui était adorable.

Pour les spectacles, il n’y avait aucune pression. Les professeurs cherchaient des numéros à partir de ce que l’on savait faire. Si le jour J, on ratait, eh bien aucun problème, il suffit de recommencer, éventuellement avec une blague.

Une année, où j’avais été beaucoup absente, je n’avais pas de numéro à présenter. C’est tout naturellement que mes professeurs m’ont proposé un rôle de mime: entre chaque numéro, je mimais un photographe qui prenait en photo le tour.

Comme ma mère venait toujours me chercher une à deux heures en retard, en l’attendant, pour patienter pendant le cours suivant, je m’exerçais à marcher sur le fil (qui n’était qu’à 50 cm du sol). Au bout de trois ans, je faisais un numéro de funambule (toujours à 50 cm du sol) en jonglant avec trois mouchoirs. Ma mère, elle, avait jeté l’éponge et ne venait plus du tout me chercher. Je devais chaque semaine trouver un camarade dont les parents acceptent de me ramener en ville. Généralement, je voyageais dans le coffre. Je finissais le chemin en courrant jusqu’au conservatoire de musique où j’enchaînais avec mon cours de flûte traversière.

Cette expérience démontre plusieurs choses. Il n’y a pas besoin de forcer les enfants pour qu’ils apprennent. Il faut laisser le temps dont chacun a besoin pour apprendre. Il vaut mieux donner des petits conseils adaptés au niveau de chacun et laisser les personnes s’entraîner par elles-même, en autonomie. Il faut respecter les goûts et les capacités de chacun. Si on ne sait pas faire quelque chose, ce n’est pas grave, on peut s’entraîner ou se concentrer sur ce qu’on sait faire. Il faut proposer des activités en prolongation de ce que l’on sait déjà faire. Si on rate, ce n’est pas grave, on peut recommencer.

La tolérance c’est le plus beau des cadeaux.

Aurianne Or by Aurianne Or is licensed under CC BY-NC 4.0